Le texte qui suit ne tient pas compte du travail non-productif, de l’épargne des travailleurs ou encore des subventions étatiques.
Si les matières premières et biens intermédiaires ne comptent que pour peu dans le coût total des marchandises, et tant que les usines ne tournent pas à plein régime, le secteur de production des biens de consommation (Département 2) a possiblement intérêt à embaucher davantage (il vendra la production à ses travailleurs) pour pousser les salaires à grimper – y compris dans le secteur de production des biens de production (Département 1). Les travailleurs de ce dernier sont en effet la seule source de bénéfices du Département 2.
En réponse, le secteur ‘attaqué’ peut notamment se mécaniser davantage, ce qui en plus de lui créer des actifs permet de licencier du personnel et donc de tenter de rétablir une masse salariale satisfaisant un taux de profit égal à celui de l’autre secteur. En faisant progresser la rémunération du travail, le Département 2 prend le risque de voir grimper ses coûts de production (hors salaires) via une montée des prix par le Département 1 – d’où la nécessité d’être doté de capacités de production inemployées et que les matières premières et biens intermédiaires ne représentent pas une grande dépense même quand leur prix augmente.
Si ces conditions sont remplies, la réplique des producteurs du Département 1 (D1) – passant par une plus grande mécanisation en vue de réduire la masse salariale – modifie la répartition de leur production : davantage doit servir à l’équipement de D1 lui-même. La compétition pour de plus grandes parts de marché (afin de rentabiliser les investissements) peut faire baisser les prix de D1, à l’avantage de D2. Le taux de profit ne s’équilibrera pas pour tous.
Avec les gains de productivité de D1, D2 ne conserve pas la clientèle récemment gagnée, mais a cependant de grandes chances de bénéficier de coûts de production plus faibles. Mais la perte de clientèle risque d’être nette si D1 se concentre. Embaucher les travailleurs licenciés peut compenser (en maintenant des salaires élevés) sans pour autant garantir un taux de profit supérieur à celui initial.
Le frein à ce rééquilibrage provient d’une affectation de l’investissement risquant de se faire en faveur de D2 quand il provoque une hausse de son taux de profit au détriment de D1. Or, tant que les capacités de production de D2 ne sont pas utilisées à plein, l’investissement a des chances de se traduire par davantage d’embauches plus que par des dépenses d’équipement. Si D1 voit sa masse salariale augmenter sans que ses recettes ne suivent, il finira par réduire sa production. Le taux de profit de D1 ne sera alors rétabli que si D2 continue suffisamment de produire et d’investir. Mais si, sentant le vent tourner, D2 revoit aussi ses ambitions à la baisse, le taux de profit risque de rester déséquilibré – et de chuter.
Les cotisations sociales sont progressives sur la majeure partie de l’échelle salariale, avant d’être régressives pour les hauts salaires. Elles s’apparentent donc à une taxe sur la consommation. Comme par ailleurs, elles taxent le travail plutôt que les profits, elles inciteraient plutôt à se mécaniser qu’à embaucher.