alignement matérialiste

La fin du capitalisme approche, mais curieusement pas du tout pour les raisons les plus fréquemment évoquées. L’explosion démographique, présentée comme un des piliers d’une catastrophe environnementale menant le système à sa perte, cache le déclin d’une croissance démographique divisée par deux depuis les années 1970, tandis que la déplétion des ressources aide à stabiliser la productivité, dont les gains provoquent une contradiction quasi-insurmontable (révolte amplifiée ou retrait de la force de travail).

Si la stagnation de la productivité et de la démographie s’affirme, la poursuite de l’accumulation ne peut qu’engendrer la chute de la profitabilité – et la montée irrésistible du chômage provoquée par des taux d’intérêts réels poussés en territoire négatif. La dilapidation dans le luxe est la seule alternative, alors même que l’impossibilité d’étendre la masse des profits rend délicate l’obtention d’un soutien idéologique.

La voie la plus probable pour la sortie du capitalisme est un retour vers une production plus autonome, s’appuyant en partie sur les machines modernes. Les inégalités ont ainsi toutes les chances de se renforcer, et la majeure partie de la population de devenir superflue. Technologies inconnues employées dans des lieux gardés secrets… Le monde est peut-être un zoo.

Un chemin égalitaire existe malgré tout, et présente par ailleurs de nombreux avantages. L’emprunter ne demande pas, techniquement, de grands efforts, le principal problème (outre la résistance de la classe ‘dominante’) s’avérant être de réussir à (faire) comprendre comment des modifications aussi simples peuvent engendrer autant d’effets positifs – sans effets négatifs équivalents. Trop beau pour être vrai ?

 

 

Un des soucis les plus évidents de l’économie de marché est le recours des entreprises aux « externalités négatives » pour améliorer leur compétitivité. Les dégradations environnementales, pour n’évoquer qu’elles, sont d’autant moins évitées qu’elles jouent le rôle précédemment décrit d’aide à la stabilisation de la productivité. Au fond, c’est la conséquence d’une décision censitaire d’allocation du capital. On perçoit dès lors qu’un rôle actif du peuple dans l’attribution du financement, par opposition à un rôle passif (en plus d’être inégalement distribué) par la consommation, peut non seulement éliminer les freins à la productivité, mais encore bien mieux ajuster la production à la demande (solvable ou non).

La critique apparemment incontournable à ce stade, affirme que « les gens ne savent pas ce qu’ils veulent » ou « ce qui est bon pour eux ». S’il faut répondre par autre chose qu’un soupir, on peut signaler qu’ils auront au moins l’occasion, pour une fois, d’apprendre de leurs erreurs. Quoi qu’il en soit, la profitabilité servira comme indicateur d’une éventuelle schizophrénie. On ne semble pas non plus remarquer que la large égalité découlant d’un tel processus de décision permet un regroupement affinitaire – à même d’apaiser les tensions. Les activités indépendantes devraient causer moins d’externalités négatives (mais gare au retour des inégalités avec le capital ‘individuel’).

Quelques modifications complémentaires : l’épargne fondante progressive (la politique monétaire importe peu quand la stimulation de l’activité n’est pas une problématique) et la seule location pour l’accès au foncier. Dès lors, la triche devient visible, et fait risquer l’ostracisme. Adieu la police.

On peut imaginer plusieurs scénarios pour les profits : leur élimination pure et simple (prix fixés sur les coûts, donc sur le capital attribué), ou un choix entre leur redistribution (financement de l’inactivité) et l’accumulation du capital. Dans le premier cas (leur élimination), le désir de moins travailler (quitte à être moins payés) laisse aux entreprises davantage de moyens pour inciter à conserver ses heures. À l’inverse, le besoin général d’une rémunération plus élevée égalise le temps de travail et les salaires. Dans le cas où les profits existent et sont au moins en partie distribués égalitairement (y compris aux actifs), les salaires sont naturellement déterminés par ce biais (compensation pour la perte de temps libre).

Les critères de vote quand on décide d’attribuer du capital à une entreprise devraient être : la nature de la production (quelle marchandise), la façon de produire (respect de l’environnement, conditions de travail, éventuellement ratio capital / travail), le type d’activité créé (quels métiers), et enfin l’existence ou non de profits et l’ampleur de leur redistribution (financement de l’inactivité contre gains de productivité plus rapides). On peut imaginer un processus de décision « liquide », où les firmes à succès redirigent le ‘capital’ vers leurs fournisseurs. Un mot sur l’origine de ces entreprises sans patron particulier : en l’absence de droits de propriété intellectuelle, quiconque peut proposer au vote un modèle de boîte, possiblement calqué sur une autre mais cherchant à l’améliorer. L’insatisfaction d’un travailleur quant à son métier devrait l’inciter à voter pour des entreprises où il pense pouvoir se sentir plus à l’aise.

Quand le salaire est déterminé par le niveau du ‘revenu universel’, on peut simplifier l’embauche par la rémunération « à la pièce » : l’activité est partagée en fonction de la demande d’emploi. Le ratio capital / travail exigé des entreprises devrait alors dépendre des difficultés rencontrées à trouver un poste.

La quantité de temps libre doit s’accroître à mesure que le pouvoir d’achat permet de subvenir aux besoins et envies, tandis que la progression des salaires rend le choix de ne pas travailler de plus en plus viable (par l’équivalence subjective de satisfaction que garantit le mécanisme du marché du travail). L’amélioration des conditions de travail ne proviendra pas seulement de l’altruisme, mais plus pragmatiquement de l’envie d’attirer des travailleurs pour la production des marchandises que l’on souhaite voir ‘en rayon’.

Un jour ou l’autre, la classe ‘dominante’ va devoir faire le choix entre une stagnation de son niveau de vie (voire pire) et l’abandon de la lutte des classes, c’est-à-dire le renforcement de la conflictualité interne à la classe. L’équilibre des forces est certainement plus facile à maintenir quand l’allocation des ressources est décidée démocratiquement. Il semble donc que se mettre en travers du chemin ne soit pas dans son intérêt objectif, du moins sur le long terme.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *