A Personal Journey with Martin Scorsese Through American Movies
Permanent Vacation, de Jim Jarmusch
The Onion Movie
Là-bas si j’y suis, avec Laurent Bonelli
Le Trou, de Jacques Becker
La raison du plus fort, de Patric Jean
Ne dites pas à ma mère… avec Diego Buñuel
The Boondocks, d’Aaron McGruder
Vivir la utopía, de Juan Gamero
spitfirelist.com
Das Leben der Anderen, de Florian Henckel von Donnersmarck
Samsara, de Ron Fricke
Peter Levenda sur Red Ice Creations
L’instinct de mort, de Jean-François Richet
Nostalgia de la luz, de Patricio Guzmán
Encounters at the end of the world, de Werner Herzog
Cathédrales de la culture – la prison de Halden, de Michael Madsen
…
Le taux de chômage en Europe (qui est assez similaire au taux français), est un indicateur de l’activité économique. Il commence à monter en 1974, date à laquelle le taux d’incarcération en France est très bas au regard de l’ensemble de l’époque considérée. Le chômage progresse rapidement jusqu’en 1981, avec un léger ralentissement entre 1977 et 1979, ce qui correspond assez étroitement à l’évolution de l’emprisonnement. Un premier pic de captivité a lieu vers 1987, moment où s’amorce un regain d’activité économique. La fin de ce mini-boom se produit en 1990, l’année où le niveau de détention est au plus bas pour la période 1987-1999. Le creux de réclusion suivant arrive en 2001, au plus haut de l’activité économique dans l’intervalle 1991-2006.
Bilan de cette analyse : il semble y avoir une concordance entre activité économique et taux d’incarcération. Quand l’activité économique se porte bien, la population pénitentiaire est à un niveau relativement faible, et à l’inverse, un taux de chômage élevé correspond à un nombre important de prisonniers.
Une explication simple se trouve dans l’influence des conditions économiques sur la propension au crime et au délit. Mais peut-être reste-t-il de la place pour d’autres liens de causalité. Quel est l’impact de la prison sur l’économie ? Par exemple, la mise hors circuit de revendeurs de drogues peut avoir pour premier effet d’augmenter la consommation des autres biens et services, et donc de stimuler la croissance. Mais dans un deuxième temps, avec la hausse du prix des drogues provoquée par la répression de l’offre, a lieu une incitation au développement du trafic. On sait par ailleurs que la prison constitue une école de la délinquance et du crime, et contribue donc à ce deuxième effet. [En fait les dealers semblent trop vite remplacés pour que leur arrestation fasse monter les prix➤.] On peut malgré cela se demander si la détention n’est pas un des outils possibles de gestion de l’économie, au même titre que le terrorisme ou les méthodes pédagogiques.
Auquel cas le phénomène devrait être flagrant aux USA, où après 40 ans de libéralisation, au-delà de 2 millions d’individus se trouvent derrière des barreaux, soit plus du quart du nombre de chômeurs, lequel, après être redescendu de son niveau record (depuis les années 1930) de 2010, est censé se trouver de nouveau au niveau « d’équilibre » – en-deça duquel on craint l’inflation à cause d’une faible pression salariale accompagnée d’un désinvestissement. Si le taux de chômage se trouve au-dessus de ce taux que l’on dit aussi « naturel » (estimé plus bas aux États-Unis qu’en France), alors les coûts de production sont favorables à l’investissement (surtout dans les secteurs peu concentrés où la paye représente une large part des dépenses), sauf si l’on préfère éviter la baisse des prix. L’incarcération d’une part non-négligeable de la force de travail revient à ériger une « barrière à l’entrée » qui limite la concurrence, tandis que les difficultés d’un secteur industriel facilitent pour les autres l’accès aux faveurs politiques et au financement. Ou peut-être ne souhaite-t-on pas produire plus de crainte de voir le pouvoir d’achat grimper suffisamment pour démobiliser les travailleurs ; s’ils dépassent un certain nombre, les chômeurs ne peuvent plus avoir d’effet sur les bas salaires – lesquels doivent conserver un différentiel avec les allocations d’inactivité. Ces dernières coûtant moins cher que l’emprisonnement, ce serait alors le potentiel insurrectionnel d’une armée de chômeurs en surplus qui serait craint. À moins que la plus-value ne soit nécessairement davantage taxée quand il s’agit de financer le chômage. Les États américains où le taux d’incarcération de la population adulte est élevé sont plus industriels que ceux où il est faible➤➤➤, et il s’agit assez souvent d’États producteurs de pétrole. Environ la moitié des prisonniers américains travaille➤, pour la plupart au service de l’État – autrement les employeurs doivent payer un salaire minimum dont les condamnés ne touchent qu’une très petite partie➤➤.
Les crises des années 1930 et de la fin des années 2000 sont des moments particuliers où l’évolution du nombre de détenus ne suit pas celle du nombre de chômeurs. À noter que pendant la première, les salaires de ceux qui gardaient leur emploi n’ont pour beaucoup pas baissé, et ont même pu augmenter : avec la mécanisation, la part du travail dans les coûts de production diminue et il est tentant pour les entreprises les plus compétitives de forcer la concurrence à s’aligner ou à perdre leur main d’œuvre la plus productive. Aux USA, l’assurance-chômage est créée en 1935.
Les études de Michael J. Lynch➤ montrent que pour la période de 1950 à 1980, aux États-Unis, le taux de plus-value est un meilleur indicateur de l’emprisonnement que le chômage (ou d’ailleurs que d’autres variables comme le nombre de jeunes noirs ou encore le nombre de crimes connus de la police). Le nombre d’arrestations pour vol ou vandalisme s’explique aussi mieux par le taux de plus-value, en partie parce que celui-ci détermine le budget de la police. Son hypothèse est qu’un plus fort taux de plus-value s’accompagne d’une dégradation des conditions de travail avec la mécanisation, celle-ci induisant aussi une position désavantageuse pour les travailleurs qui doivent changer d’emploi – ou les cumuler. Le système judiciaire et policier➤, prévoyant, intensifie son contrôle.
En moyenne, chaque reportage sur un fait divers criminel diffusé dans les journaux télévisés de 20h augmente de 24 jours la durée des peines prononcées le lendemain par les cours d’assises.
Chaque reportage sur les erreurs judiciaires diminue les peines prononcées le lendemain en assises de 37 jours en moyenne.Aurélie Ouss et Arnaud Philippe, L’impact des médias sur les décisions de justice, Institut des politiques publiques, janvier 2016
En France et en Europe, la seconde moitié du XXe siècle est marquée par l’accélération de la mise en application du modèle républicain, qui voit progresser concomitamment les droits de la défense et la modération des sanctions, avec la consécration en 1975 des peines alternatives à l’incarcération, et un vaste mouvement de dépénalisation de la déviance. Une telle évolution a pu faire croire au triomphe du libéralisme pénal. C’était oublier que la tradition autoritaire n’a jamais cessé de travailler notre ordre juridique. On la retrouve en particulier dans la proclamation, le 8 juin 1970, d’une loi qui se donnait déjà pour ambition de lutter contre les « casseurs ». Celle-ci rend les organisateurs, mais aussi les participants, responsables pénalement et civilement des violences et des dégradations commises lors de manifestations irrégulières ou interdites. Elle a surtout abouti à la condamnation expéditive de responsables syndicaux, « en permettant de sanctionner les organisateurs de manifestations parfaitement pacifiques, voire de manifestations pacifistes », comme l’écrit le rapporteur au Sénat de la proposition de loi tendant à l’abrogation de ce délit. On retrouve également la tradition autoritaire dans la loi dite « sécurité et liberté » adoptée le 2 février 1981, qui tend à accroître les pouvoirs de la police judiciaire, à généraliser la procédure de flagrant délit — ancêtre de la comparution immédiate — et à augmenter les sanctions encourues pour certains délits d’atteinte aux personnes. […] Si cette dernière loi fut particulièrement décriée en son temps et rapidement abrogée après l’accession de la gauche au pouvoir (loi du 10 juin 1983), ses dispositions frappent aujourd’hui par leur… banalité. Depuis le milieu des années 1990, la tradition autoritaire a connu une seconde jeunesse avec l’irruption bruyante et entêtante de la rhétorique sécuritaire dans le débat public, sur fond d’aggravation de la remise en cause néolibérale du vaste mouvement de démocratisation économique et sociale d’après-guerre. Vincent Sizaire, Des sans-culottes aux « gilets jaunes », histoire d’une surenchère répressive, Le Monde Diplomatique, avril 2019