Mars 1921 inaugure un changement profond dans les relations avec le capital du premier régime se réclamant du marxisme. Une pièce est retirée de l’échiquier.
« Le pis était que le mensonge officiel nous paralysait. Que notre parti nous mentît ainsi, cela n’était jamais arrivé. » Voici comment Victor Serge, ex-anarchiste ayant rejoint la Russie et les Bolchéviques à la faveur d’un échange de prisonniers avec la France en 1919, relate son incrédulité face à l’annonce de la prise de Cronstadt par les gardes blancs[1].
Encore dans les années 2000, après la publication d’archives jusqu’alors inédites, le débat était acrimonieux entre critiques et avocats de la répression du soulèvement de février-mars 1921[2]. Aujourd’hui, le centenaire de l’évènement semble largement éclipsé par les 150 ans de la Commune de Paris.
Il s’agit pourtant bien d’un moment majeur dans l’histoire de la lutte des classes, pour au moins deux raisons : l’adoption simultanée de la Nouvelle politique économique (NEP) et le changement de stratégie de la IIIème Internationale.
Si la promesse – tenue – de signer la paix avec l’Allemagne a contribué à porter les flexibles Bolchéviques au pouvoir en 1917, le nouveau régime aborde un tournant autoritaire avec la « guerre civile » qui s’ensuit[3]. Les forces réactionnaires soutenues par les pays capitalistes ont pu sembler frôler la victoire[4], mais jamais l’appui occidental – certes gêné par les mutineries et les contestations domestiques de travailleurs enthousiasmés par la révolution russe[5] – ne donnera l’avantage décisif.
Il faut dire que l’État bolchévique a quelques atouts diplomatiques à sa disposition. D’une part il est prêt à d’importants sacrifices territoriaux[6], d’autre part il peut faire jouer la concurrence pour les investissements futurs. Si les Français ne se résoudront que tardivement à reprendre le commerce avec la Russie, entre autres parce que les prêts concédés du temps du Tsar (quand l’Allemagne laissera sa place) ne seront jamais remboursés, les États-Unis sont par contre réticents à abandonner les Russes aux volontés d’expansion du Japon[7]. D’autant plus que leurs propres investissements sous le Tsar étaient très minoritaires par rapport à ceux des européens (Français en tête, notamment dans le domaine de la métallurgie, Anglais et Allemands se partageant respectivement mines et pétrole, et chimie et équipements électriques). Le régime « communiste » ne s’y trompera pas en expédiant son or à New York[8], des années avant les premiers plans quinquennaux concoctés et réalisés avec l’aide de firmes américaines[9].
À la fin de l’année 1920, après une offensive conjointe avec les anarchistes makhnovistes d’Ukraine (contre lesquels les Bolchéviques se retourneront ensuite), l’essentiel de la lutte contre les Russes Blancs a pris fin. Incapables de supporter plus longtemps les réquisitions, et après un été très sec annonçant une famine d’envergure[10], les paysans russes se soulèvent. Le manque de nourriture doit rendre la situation tendue dans les villes – encore qu’elles aient déjà été largement désertées durant les années précédentes. À Pétrograd, des grèves ont lieu face à la diminution des rations. L’île-forteresse de Cronstadt – base majeure de la marine russe dans la Baltique – qui garde l’entrée de l’ancienne capitale[11] (où s’est déroulée la révolution en 1917), décide de suivre les grévistes.
Les glaces n’ont pas encore fondu, cette assistance ne peut donc pour l’instant être que très symbolique, de la part de marins présentés depuis 1917 comme les héros de la révolution pour leur intervention décisive lors du coup d’État bolchévique. Un programme est présenté, demandant entre autres le retour du pouvoir aux soviets (abandonné pendant la période du « communisme de guerre ») et certaines libertés politiques et économiques.
Si les dirigeants bolchéviques n’ont pas tout à fait tort d’y voir une manipulation des gardes blancs et des occidentaux (comme en attestent les archives de ceux-ci), le choix d’un soulèvement à quelques semaines de la fonte des glaces semble bien indiquer une grande dose de spontanéité, ou à défaut une intention délibérée de ne pas obtenir de renforts de la part des ennemis de classe. Certes, le régime est poussé à réagir très vite – et le fera avec une grande violence (les exécutions se sont poursuivies pendant des mois après les évènements). Pourtant les membres du parti ne furent, au pire, qu’emprisonnés par les mutins. Par ailleurs, ces derniers n’écoutèrent pas les conseils des officiers, comme celui de tirer dans la glace pour la faire fondre et ainsi profiter d’une maîtrise de la situation navale. L’objectif recherché ne semble donc pas avoir été la conquête militaire de la Russie – pour laquelle un appui étranger était indispensable – mais le soulèvement de la population, ou à défaut une négociation avec le pouvoir central. L’interprétation alternative considère que les « dirigeants politiques » de la révolte ont préféré temporiser (et attendre la mobilisation occidentale) en apparaissant peu offensifs. Le soulèvement prématuré est alors expliqué par la grève quasi-générale à Pétrograd fin-février (les usines tournaient déjà au ralenti pour manque de combustible, mais désormais la situation est insurrectionnelle – après le déclenchement d’un mouvement de grèves à Moscou). Notons que depuis janvier, la Tchéka (police politique) est au fait de grèves de grande ampleur « imminentes »[12].
Le débat sur la pureté idéologique des rebelles de Cronstadt a continué jusqu’à nos jours. Statistiques et anecdotes ont été mises au service d’un désaccord sur la composition sociologique de la flotte de la Baltique en 1921 : est-ce bien la même que celle de 1917 ? Ou a-t-on à faire à des fils de bonne famille ayant trouvé la bonne planque (encore que Pétrograd, premier centre industriel russe et notamment pour l’armement, sera de multiples fois un enjeu durant la guerre face aux Blancs et leurs alliés) ? Après tout, les remuants marins de 1917 ont été en partie dispersés dans le pays à des fins de propagande, ou recrutés là où les conflits l’exigeaient – et tous ne sont certainement pas rentrés une fois la guerre terminée. L’idéalisation des insurgés est certainement rendue délicate par l’antisémitisme qui, s’il n’est peut-être pas majoritaire, s’exprime souvent sans fards parmi eux (les révolutionnaires russes les plus en vue étaient souvent juifs, et c’est notamment vrai des Bolchéviques➤➤ – les pogroms étaient une bonne raison de vouloir renverser le Tsar).
Quoi qu’il en soit, la répression de la révolte envoie un message clair : le nouveau pouvoir russe saura faire preuve d’autorité même en période de paix. L’évènement est d’ailleurs l’occasion de réprimer toutes sortes d’opposants politiques. C’est l’autre pan du bouleversement qui s’opère avec le 10ème Congrès de parti (durant lequel, à côté des discussions sur la NEP, un débat a lieu sur la place à donner aux syndicats, permettant au groupe des Dix, incluant Lénine, d’apparaître comme modéré en proposant de ne rien changer – ni tentative de donner une plus grande voix aux masses ni sujétion totale). La libéralisation de l’économie doit satisfaire les revendications des paysans (qui peuvent désormais vendre leur surplus sur les marchés – mais encore faut-il que la production industrielle leur soit en partie destinée) et inspirer confiance aux investisseurs étrangers. Les travaux théoriques entrepris en matière artistique aboutissent à une scission entre les partisans d’un art utilitaire et les autres. Le projet d’une société où l’art intègre la production à sa racine et non comme auxiliaire est remis à plus tard[13].
Et toujours en mars 1921, l’échec de l’« action de Mars » en Allemagne[14] annonce la décision par l’Internationale communiste (à son 3e Congrès, en juin) de passer de la stratégie du blitzkrieg à celle de la guerre de tranchée, c’est-à-dire d’abandonner la radicalité (représentée par la scission des mouvements socialistes à l’issue de la première guerre mondiale et les insurrections révolutionnaires comme en Allemagne et en Hongrie) pour privilégier l’ouverture. Les révoltes de l’après-guerre auront duré le temps de déprécier suffisamment le capital (par la disparition des activités les plus fragiles) pour réamorcer la machine économique (laquelle doit se reconvertir à la paix). Les acquis sociaux constitueront un stimulant à l’adoption de méthodes plus productives (taylorisme…), ce qui là aussi doit bénéficier – à court terme – au taux de profit donc à l’investissement.
Le 16 mars, la Russie signe un traité commercial avec le Royaume-Uni et le 18, jour de la défaite des rebelles de Cronstadt, un traité de paix (de Riga) avec la nouvelle république polonaise pour fixer une frontière qui durera jusqu’en 1939. Le 19 mai, les USA mettent fin à l’immigration libre : la guerre pour le moment écartée, on sait que l’activité économique reposera surtout sur la volonté de mécaniser la production.
Notes
1. Victor Serge, Kronstadt ’21 : https://www.marxists.org/archive/serge/1945/memoirs/ch04x.htm. En français : Mémoires d’un révolutionnaire, 1905-1945, p. 159.
2. Spartacist (USA), #59 : https://www.marxists.org/history/etol/newspape/spartacist-us/1999-2011/0059_Spring_2006_Spartacist.pdf Cet article fournit des sources pertinentes, mais en fait un usage douteux, par exemple sur l’origine des marins de la Baltique en 1921.
3. Steve Smith, Year One in Petrograd, New Left Review 52, July August 2008 : https://newleftreview.org/issues/ii52/articles/steve-smith-year-one-in-petrograd. Quand, après la révolution de mars 1917, Lénine fait adopter le mot d’ordre « tout le pouvoir aux soviets », c’est sans doute pour davantage désorganiser la structure duale du pouvoir (gouvernement provisoire et soviet de Pétrograd) dans le but d’accroître l’influence des bolchéviques – qu’il a fait se positionner en faveur de la paix. Lire Adam B. Ulam (1974, 2nd edition), Expansion and Coexistence – Soviet Foreign Policy, 1917-73, pp. 33-41. La progression fulgurante du vote bolchévique entre mars et octobre trouve aussi une part de son explication dans la capacité à mobiliser des sponsors étrangers (allemands et probablement américains) pour ses campagnes de propagande. Lire aussi Richard B. Spence (2017), Wall Street and the Russian Revolution, 1905-1925, pp. 174-5. Contrairement à la composante menchevik de la Social-Démocratie, les partisans de Lénine ont fait le choix d’un parti non pour les masses, mais pour l’avant-garde révolutionnaire. S’épargnant ainsi la lourdeur bureaucratique, ils sont aussi plus prompts à réagir que les Socialistes-Révolutionnaires, la voix politique de la paysannerie, la plus forte du pays mais aussi la plus divisée (sur la guerre, sur les alliances à envisager). Quant aux anarchistes, peut-être les plus enclins au mélange des genres (idéal villageois et syndicalisme internationaliste, membres prolétaires ou artisans, grands noms pour beaucoup francs-maçons peut-être pour des valeurs comme l’égalité et l’humanisme – vision d’une production à l’échelle humaine équitablement partagée), leur absence de volonté de prise du pouvoir politique (hormis peut-être chez les plate-formistes), y compris via les soviets, les situait fondamentalement hors jeu – sans même évoquer la répression qui a décimé leurs rangs sous le Tsar (laquelle a poussé à l’exil d’autres révolutionnaires, ouvrant la voix à des connexions avec des financiers). La réalisation que leurs révoltes et leurs efforts (syndicalisme, terrorisme, grève générale) ne menaient au mieux qu’à donner plus de poids aux réformistes explique peut-être le repli de la doctrine vers des espaces géographiques propices à la guerrilla (Espagne, zones en cours d’intégration au commerce mondial). Lire Michael Schmidt (2012), cartographie de l’anarchisme révolutionnaire. D’après Lénine, le danger du soulèvement de Cronstadt vient de ses slogans anarchistes➤.
4. Victor Serge, Revolution in danger.
5. Joseph Jacquet (dir., 1967), Les cheminots dans l’histoire sociale de la France, p. 78.
6. Adam B. Ulam (1974, 2nd edition), Expansion and Coexistence – Soviet Foreign Policy, 1917-73, pp. 98-9.
7. Le soutien des Britanniques aux Japonais dans la guerre russo-japonaise de 1904-1905, s’il s’explique par la volonté de prévenir l’accès de la Russie à une mer chaude, trouve peut-être aussi en partie son origine dans l’intention d’inciter l’Allemagne à aller chercher des noises à une Russie affaiblie, ainsi que de pousser les USA à pencher à l’avenir du côté des Russes (et donc contre l’Allemagne) afin d’endiguer l’expansion d’un Japon désormais industrialisé (grâce aux exportations de capitaux britanniques) – et menaçant la main-mise américaine sur le Pacifique. L’entrée en guerre des États-Unis contre l’Allemagne en avril 1917 fournit un argument à l’appui de cette interprétation, dont le sens repose sur le fait que l’Allemagne était jusqu’à la première guerre mondiale le fleuron du mouvement ouvrier révolutionnaire depuis plusieurs décennies. Le mouvement ouvrier britannique fut colossal sur le papier, mais son importance pour l’organisation au niveau planétaire déclina dans le dernier quart du 19ème siècle : la consolidation des syndicats à l’échelle nationale fut accompagnée d’une reconnaissance par l’État (négociation collective précoce) – dans un contexte économique mondial peu favorable. Les pays où le patronat était plus autoritaire (comme en Allemagne ou en Espagne avant la guerre de 1914-1918), hébergeaient typiquement une population plus radicalisée. La faiblesse singulière, au Royaume-Uni, des entraves aux échanges commerciaux internationaux (à ce sujet lire Peter Gourevitch (1986), Politics in hard times, chapitre 3 ; et pour les alliances de classes Michel Beaud (2010), Histoire du capitalisme 1500-2010, pp. 146-7), a rendu plus délicate l’union des patrons face aux employés. Contrairement à l’Angleterre, en Allemagne (avec sa structure fédérale), les travailleurs furent davantage intégrés au jeu politique (bien que de façon très frustrante à l’échelon national). L’Allemagne est, avant la guerre, la seconde puissance industrielle au monde après les USA. Son développement rapide après 1871 a notamment causé des problèmes de logement. La promiscuité a rendu la vie familiale insatisfaisante, d’où un rôle prononcé de la taverne. Le paternalisme patronal s’exprime entre autres à travers l’hébergement des ouvriers. Lire Dick Geary (ed., 1989), Labour and socialist movements in Europe before 1914, pp. 2-4. Une autre étude comparative des mouvements ouvriers européens : Stefan Berger & Davis Broughton (ed., 1995), The Force of Labour – The Western European Labour Movement and the Working Class in the Twentieth Century. Sur les connexions internationales du mouvement ouvrier, lire Marcel Van Der Linden (2008), Workers of the World, Essays toward a Global Labor History, chapitre 12. Sur la place particulière de l’Allemagne, on peut lire René Berthier (2009), Digressions sur la révolution allemande, pp. 7-21. La première guerre mondiale contribue à porter les socialistes aux gouvernements, mais la révolution est rendue plus difficile par la polarisation politique entre ‘patriotes’ et ‘internationalistes’. En France, c’est l’échec de la grève par vagues (Joseph Jacquet, Les Cheminots…, pp. 87-8). Pour une mise en contexte, on peut noter que quelques décennies plus tôt, « [c]e fut […] au nom du socialisme que Friedrich Engels, par exemple, se fit le défenseur de la nation allemande face à des nations moins avancées comme la Russie, mais aussi face à des nations capitalistes plus avancées comme la France, au cas où celles-ci ne fussent alliées à l’adversaire russe potentiel. » (Paul Mattick, Marxisme, dernier refuge de la bourgeoisie ?, p. 224 – un ouvrage où l’on trouve une bonne analyse du nationalisme en pp. 221-30). José M. Aricó, dans Marx et l’Amérique latine (en français aux éditions Delga, 2020), pp. 14-7, 49-58, 76-83, montre le changement dans la pensée de Marx sur les rôles révolutionnaires respectifs des pays du « centre » et de la « périphérie » – l’expansion géographique du capital étant pour ce dernier à la fois une solution à la contestation populaire et une nécessité face à sa surproduction. Sous la pression américaine, la fin de l’Alliance anglo-japonaise est annoncée par la signature du traité des quatre puissances en décembre 1921. À propos du rôle britannique : https://www.corbettreport.com/wwi/. Si freiner le développement et l’expansion allemande (la construction d’un chemin de fer Berlin-Baghdad est souvent considérée comme le véritable déclencheur de la première guerre mondiale) fut certainement un objectif de premier plan (notamment du fait de la forte concentration de l’industrie allemande, l’amenant à voir le jeu de la concurrence comme une affaire avant tout internationale), on doit tout de même noter qu’une alliance Allemagne-Angleterre fut envisagée, mais écartée par la volonté de la première de se doter d’une marine militaire. Par ailleurs, le rôle de la France dans l’échec des relations russo-germaniques fut de premier plan. Lire Jacques Droz (1972), histoire diplomatique de 1648 à 1919.
8. Richard B. Spence (2017), Wall Street and the Russian Revolution, 1905-1925. Pour les investissements étrangers, se reporter aux pages 22-3.
9. Travaux d’Antony Sutton : https://archive.org/details/Sutton–Western-Technology-1917-1930/ et https://www.youtube.com/watch?v=zTDvLmEBESY (The Best Enemies Money Can Buy: An Interview with Prof. Antony C. Sutton).
10. https://cdm21047.contentdm.oclc.org/digital/collection/russian/id/5398. L’aide internationale, notamment américaine (surplus de maïs), n’empêchera pas le décès de plusieurs millions de personnes, entre autres du fait de la destruction par la guerre des chemins de fer. https://labor.history.ucsb.edu/sites/secure.lsit.ucsb.edu.hist.d7_labor/files/sitefiles/MFedorova_RadicalRelief_Workshop.pdf.
11. En faisant de St-Pétersbourg sa capitale au tout début du 18ème s., Pierre le Grand rapproche la Russie de l’Europe. Désormais plus vulnérable aux incursions militaires venues de l’ouest, elle a aussi davantage de chances de nouer des alliances visant à prévenir la trop grande domination d’une des puissances occidentales concurrentes – et ce faisant accède à des échanges commerciaux privilégiés qui, bien plus tard, permettront aussi son industrialisation. Après le Congrès de Vienne en 1815, la Russie maintient des alliances avec les régimes européens conservateurs (des privilèges de l’aristocratie), ce qui nuit au développement de sa propre bourgeoisie et freine sa croissance économique. À partir des années 1860, ces alliances se distendent et l’industrialisation russe commence. L’éloignement des Allemands est compensé par le rapprochement avec les Français. Que les Bolchéviques aient de nouveau fait de Moscou la capitale russe n’est pas sans lien avec le risque posé par les marins de la Baltique.
12. David Schaich (2001), Kronstadt 1921 – An Analysis of Bolshevik Propaganda : https://www.marxists.org/history/ussr/events/kronstadt/analysis.htm ; Ida Mett (première édition 1938), The Kronstadt Commune : https://www.marxists.org/archive/mett/1938/kronstadt.htm ; Israel Getzler (1983), Kronstadt 1917-21 – The fate of a soviet democracy, pp. 242-3 : https://archive.org/details/kronstadt19171920000getz. Sur le rapport de la Tchéka, voir Courtois et al. (1997), Le livre noir du communisme, p. 127. Une semaine après sa rédaction, est décrétée une réduction d’un tiers des rations de pain. Voir Orlando Figes (1996), A People’s Tragedy, ch. 15.3. Pour mater les grèves de la fin-février à Pétrograd, le déploiement des troupes sera accompagné de distribution de rations supplémentaires. Voir Paul Avrich (1991), Kronstadt, 1921, pp. 47-8. Autre incohérence : des signalements de révolte à Cronstadt ont circulé dans la presse étrangère dès la mi-février➤➤. Ces entrefilets seront ensuite mentionnés par la propagande bolchévique à l’appui de la thèse d’un complot réactionnaire, mais sur le moment rien n’a été entrepris pour y mettre un terme – comme si l’on laissait l’agitation prendre davantage d’ampleur. L’organe de presse des rebelles considère qu’il s’agit là d’un moyen de faire monter le cours de la devise tsariste afin de s’en débarrasser à bon prix (Kronstadt Izvestiia numéro 5). On notera que les effectifs de la forteresse de Cronstadt étaient largement dégarnis au moment des faits.
13. De l’ambition des artistes à intégrer les usines pour y obtenir des fonctions managériales (afin de transformer le travail mécanisé en une activité créative) ne restera que l’appel aux ouvriers à proposer des solutions pour accroître la productivité, ce qui se transformera graduellement en stakhanovisme. Lire Maria Gough (2005), The Artist as producer – Russian Constructivism in Revolution et Christina Kiaer (2005), Imagine no possessions – the socialist objects of Russian Constructivism. Sur le 10ème Congrès du parti, lire Jean Barrot (1972), Communisme et question russe, pp. 74-95. On y trouvera aussi une mise en contexte de la rébellion de Cronstadt et de l’insurrection makhnoviste.
14. Kevin McDermott & Jeremy Agnew (1996), The Comintern, A History of International Communism from Lenin to Stalin, pp. 28-30. Sur le revirement de la IIIe Internationale, voir aussi Perry Anderson (2017, 1st edition 1976), The Antinomies of Antonio Gramsci. L’occurrence simultanée de la « mutinerie » de Cronstadt et de l’action de Mars aura empêché les dirigeants soviétiques de se concentrer sur la réussite de cette dernière. Lire Adam B. Ulam (1974, 2nd edition), Expansion and Coexistence – Soviet Foreign Policy, 1917-73, p. 120. Le pic de l’agitation révolutionnaire d’après-guerre a lieu en 1920. Lire Chris Harman (2002), A People’s History of the World, p. 448 (il existe une édition en français intitulée Une histoire populaire du l’humanité). Sur les possibilités de révolution après 1920, voir Riviale, Barrot, Borczuk, (1973), La légende de la gauche au pouvoir, pp. 9-11 et 20. Dans la mesure où les conditions économiques permettaient de tolérer l’agitation (pour dégonfler le dénominateur du taux de profit), les Bolchéviques ont peut-être senti le vent tourner plutôt que tenu le gouvernail : la première crise économique d’après-guerre a lieu en 1920-1921, et « la reprise s’affirme » en 1923-1924. Lire Bouillon, Brunel et Sohn (1980), 1914/1945, le monde contemporain, pp. 66-8 et Michel Beaud (2010), Histoire du capitalisme 1500-2010, pp. 232, 234, 238.