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À propos de l’article de Renaud Lambert et Sylvain Leder Face aux marchés, le scénario d’un bras de fer, paru dans le Monde diplomatique en octobre 2018. « Sur le mode de la fiction, il imagine une crise profonde conduisant une population à engager le combat, avant de proposer un plan de bataille ouvrant des perspectives d’émancipation, mais sans en ignorer les coûts. »

Paris pourrait […] demeurer isolé. Dans ce cas de figure, son éviction de la zone euro (qui interviendrait dès lors que la Banque de France imprimerait des billets sur ordre du gouvernement) ou l’effondrement de la monnaie unique provoque un retour au franc (les euros en circulation étant convertis à des conditions fixées par le pouvoir). […] Qu’il soit associé à une monnaie commune ou non, le nouveau franc connaît une dépréciation. Celle-ci, bénéfique dans la mesure où elle dope la compétitivité des productions françaises destinées à l’exportation (libellées dans une monnaie plus faible, elles coûtent moins cher aux importateurs), gonfle symétriquement la facture externe française, c’est-à-dire le montant de ce que l’Hexagone importe.

Une monnaie nationale faible rend compétitif sur le marché mondial, seulement on ne peut bénéficier pleinement de cet avantage qu’en réservant une partie conséquente de la production à l’exportation. Une dévaluation* permet habituellement ceci car une baisse des prix à l’exportation a surtout de l’intérêt pour les entreprises exportatrices (qui mobilisent alors davantage d’épargne pour investir), tandis que la hausse des prix à l’importation affecte aussi les consommateurs. Or même si la réaction de certains est de réduire leur épargne afin de conserver leur niveau de vie, l’ensemble des ménages consomme moins – donc le taux d’épargne s’élève. Comme l’investissement n’a pas de raisons particulières d’augmenter, la seule destination possible pour la production n’étant plus utilisée domestiquement est tautologiquement l’étranger. Si l’objectif est de voir « croître » les salaires, l’avantage à l’exportation procuré par une monnaie dépréciée peut-il en être amoindri ? Pour suivre la progression, en cas de dévaluation, des prix des biens d’importation et de ceux destinés à la fois à l’exportation et à la consommation domestique, les salaires nominaux vont devoir augmenter de façon substantielle, laissant peu de produit en surplus à exporter. La substitution des biens et services d’importation par la production d’entreprises nationales risque d’en être sérieusement compromise. Reste la possibilité que l’inflation* fasse pencher la balance du côté des emprunteurs au détriment des épargnants, les premiers étant majoritairement les entreprises et les seconds, les ménages. Une éventuelle croissance peut permettre d’élever le taux d’épargne. Michael Pettis affirme que le modèle de croissance ‘à hauts salaires’ est plus lent à porter ses fruits mais est plus stable que celui ‘à forte épargne’, ce dernier dépendant de la demande globale. Le premier a moins de ressources disponibles pour gagner en productivité, mais l’incitation à le faire y est en revanche exacerbée.

Daniel Thiger – Alien Beach Sphere

Passons sur le potentiel inflationniste de l’abandon suggéré de l’indépendance de la banque centrale, pour nous intéresser au pétrole (dont l’imposition représente autour de 3 % du budget de l’État). Si l’impact de son cours sur l’inflation est débattu, les deux chocs pétroliers ont pu amener les pays occidentaux à privilégier des secteurs de l’économie où les coûts de production sont moins déterminés par le pétrole [ou à augmenter la productivité énergétique, ce qui constituerait moins un problème] – or s’il faut « passer par un moment protectionniste de substitution aux importations », on peut se demander si ça ne veut pas dire accroître notre dépendance énergétique, qui absorbe déjà environ 10 % du PIB [il demeure qu’une réindustrialisation passerait sans doute par davantage de consommation de pétrole]. L’inflation ne peut pas ici être une façon commode de réduire la charge de la dette, à moins que cette dernière ne devienne largement dénominée en un franc qui se déprécie – c’est improbable. L’inflation présente en revanche des risques de décrédibiliser ce gouvernement de « cadres compétents ». [On trouve ici un scénario plus optimiste.]

On peut aussi s’inquiéter de la capacité à reconvertir une économie au moment où l’on cherche à faire un effort sur la rétribution du travail – consommateurs et producteurs devant se partager les ressources en présence, avec un impact probable sur la production disponible pour l’exportation.

 

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