Un taux de profit constant impliquerait une hausse exponentielle du volume des profits.
Le taux de profit est le rapport entre ce qu’il reste des ventes une fois les fournisseurs et les salariés payés, et le montant de ces mêmes dépenses. Le taux de profit est le rapport entre les bénéfices obtenus [plus-value moins dépenses non-productives] et le capital avancé [capital constant plus capital investi dans des activités non-productives] – sur une période donnée. Le capital est soit physique (équipements, terrains, stocks), soit beaucoup moins (liquidités, titres). Le capital, c’est l’ensemble des ressources qui ne sont pas consommées. Le capital est une valeur qui crée de la plus-value. Le taux de profit est la vitesse d’accumulation du capital. Il peut monter avec la baisse des coûts de production et/ou la hausse des recettes. [Je pense qu’il est clair à ce stade que cet article est plus un brouillon qu’autre chose. Une réflexion plus aboutie sur l’approche marxiste ou marxienne de l’économie peut être trouvée ici.] Une entreprise peut s’équiper de machines plus performantes et/ou adopter des techniques de management plus sophistiquées. Elle peut accompagner ces gains de productivité d’une réduction des effectifs pour encore diminuer les coûts de production, et/ou produire davantage si elle pense que la croissance de ses ventes fera plus que compenser l’avilissement des prix. Le taux de profit – de cette entreprise – redescend à mesure que les entreprises concurrentes compressent elles aussi leurs coûts de production et récupèrent ou étendent leurs parts du marché.
Les gains de productivité réduisent les besoins en main d’œuvre, et la part des salaires dans les coûts de production peut devenir si faible que la progression de la paie devient possible [si les prix baissent, le temps de travail nécessaire pour un même pouvoir d’achat doit diminuer, et donc la pression à la baisse sur les salaires se relâche… à moins que les employeurs aient besoin de moins de bras : pas de débouchés à l’exportation, pas de nouveaux produits porteurs]. Mais cet allègement du volume des salaires s’accompagne d’une atrophie de la capacité à consommer – ne pouvant se poursuivre à l’infini même si les prix baissent : les industries s’organisent et la contestation s’intensifie. Les actionnaires ont le choix d’affecter les bénéfices en priorité aux dividendes➤ plutôt qu’à l’extension de la production, auquel cas le chômage augmente et la main d’œuvre se désunit. La guerre peut frapper, d’autant plus si biens, services et capitaux éprouvent des difficultés à s’exporter. [la guerre a tendance à frapper au moment où le manque de main d’œuvre accroît la demande de biens d’équipement* (première guerre mondiale, guerre du Viêt-Nam), ou bien quand les capacités de production demandent à être renouvelées alors que la consommation est faible (seconde guerre mondiale) – mais la guerre de Corée s’inscrit en dehors de ces scénarios] Si les taux d’intérêt* diminuent avec le surplus de capital disponible, les investissements peu rentables sont plus facilement finançables. Alors l’emploi repart, et le rapport de force peut sembler s’inverser[1]. Le volume des profits peut croître même si le taux de profit est érodé par l’atténuation de la pression exercée par le chômage sur les salaires.
Sans tenir compte de la redistribution par l’impôt, quand le taux de profit décroît, la part de la production revenant aux travailleurs s’étend[2]. La démographie et la hiérarchie des salaires sont alors des paramètres d’intérêt pour déterminer l’évolution de la position de chacun.
Notes
1. Dans cartographie de l’anarchisme révolutionnaire, publié en 2012, Michael Schmidt distingue 5 grandes vagues de l’anarchisme à partir de 1868, année de « scission de la Première Internationale entre la majorité anarchiste et la minorité marxiste ». On constate une étroite correspondance avec les demi-périodes du cycle Kondratieff, c’est-à-dire des tendances à la hausse puis à la baisse des taux d’intérêt et des prix sur plusieurs décennies (avec la nécessité de renouveler l’équipement industriel, la demande de consommation augmente plus vite que sa satisfaction, jusqu’à ce que le manque de main d’œuvre achève de stimuler la demande de biens d’équipement au point de réduire (par l’inflation) la demande de consommation – la baisse des coûts salariaux renouvelle un temps cette dernière mais l’autre arrive à son terme sous peine de surproduction. Lire The Kondratieff Cycle – Investment Strategy Tool or Fascinating Coincidence?, de Ronald W. Kaiser). « [L]a présence de groupes non européens dans [la] première vague contredit la convention voulant que l’anarcho-syndicalisme, c’est-à-dire l’application du fédéralisme anarchiste et de la démocratie directe au mouvement syndicaliste, soit une invention des Français datant des années 1890, et fait ressortir l’adaptabilité et l’applicabilité du modèle, aussi bien dans des pays industrialisés et souverains comme les États-Unis, que dans des pays colonisés et agricoles comme Cuba. Autrement dit, le mouvement surgit dans les hémisphères sud et nord, mais toujours dans des régions à forte croissance industrielle (et agrocommerciale) et jamais au sein des classes d’artisans, comme le prétendent souvent les marxistes. » L’ouvrage de Schmidt décrit une activité anarchiste très répandue sur la planète, et débouchant occasionnellement sur des mouvements révolutionnaires ne passant pas loin d’aboutir. Le syndicat d’influence anarchiste des International Workers of the World fait ainsi office de « réseau de base reliant des syndicats en concurrence ». Première vague anarchiste : 1868-1894 – phase descendante du 2e cycle Kondratieff. L’inefficacité de l’organisation de masse dans un contexte de durcissement des conditions économiques aboutit à l’expérience insurrectionnelle puis terroriste. Deuxième vague : 1895-1923 – phase montante du 3e cycle Kondratieff. De l’échec du terrorisme découle entre autres l’introduction des théories de la grève générale et de la démocratie directe dans le mouvement ouvrier. Dans un contexte d’essor capitaliste s’appuyant sur l’impérialisme (pour justifier un cycle long d’investissement, les profits escomptés doivent être plus juteux que lors du cycle précédent), cette deuxième vague anarchiste est plus massive que la première, et pénètre dans des régions où le marxisme n’aura pas accès avant les années 1920. Des tentatives de révolution ont lieu notamment au Mexique, en Ukraine et en Allemagne, mais leur échec amène à un découragement. Seront acquis des droits pour les travailleurs (journée de 8 heures). Le passage à vide des années 1920 est le fait à la fois de la répression et du réformisme. Troisième vague : 1924-1949 – phase descendante du 3e cycle Kondratieff. Tentatives de révolution en Mandchourie et en Espagne. La quatrième vague, que l’auteur fait durer de 1950 à 1989 (elle est largement achevée au début des années 1980), connaît un creux dans les années 1960 (les années 1950 sont plus actives pour l’anarchisme qu’on ne le retient habituellement, notamment en Amérique latine), peu avant la fin de la phase montante du 4e cycle Kondratieff. « Aujourd’hui, depuis l’abolition des conventions corporatistes qui maintenaient le statu quo dans les dictatures marxistes comme dans celles de droite, et alors que l’austérité néolibérale érode profondément les acquis sociaux, de nombreux travailleurs se voient exclus des instances industrielles, comme leurs prédécesseurs [de la première vague]. On redécouvre alors la puissance du syndicalisme révolutionnaire ».
2. Le taux de profit brut est le quotient de la division du PIB par la masse salariale – la baisse du taux de profit brut n’est donc possible que si la masse salariale prend une part plus importante du PIB. La part de la richesse produite n’étant pas affectée à la rémunération du capital (sous ses différentes formes : la rétribution des actions et l’évolution de leur cours, le paiement des intérêts sur les crédits, les assurances, les produits financiers dérivés, les loyers, les rentes et l’appréciation des biens mobiliers et immobiliers déduite de leur dépréciation, la redistribution des impôts et taxes) va aux salaires et aux prestations sociales. Accroître les profits implique soit d’embaucher davantage, soit d’améliorer la productivité [ou alors d’éliminer au moins en partie la concurrence][ou encore de répondre à des besoins/envies jusque-là insatisfaits ou inconnus]. Dans le premier cas, la pression sur les salaires se réduit, et dans le second les prix sont amenés à fondre. À chaque fois qu’une entreprise cherche à préserver ou élever ses profits, elle le fait au détriment de l’ensemble de son secteur. Le taux de profit, sur le long terme, diminue. Avec t le taux de profit d’une année, t’ celui de la suivante, v et v’ le volume des profits de ces deux années, et c le capital de la première année, on a : t=v/c et v’=t'(c+v) d’où v’>v si t’>t/(t+1)
Le taux de profit ayant chuté de 20% en 140 ans, la moyenne annuelle de baisse du taux de profit est de 0,14%. Le volume des profits devrait donc cesser d’augmenter quand le taux de profit ne dépassera pas 16%, valeur que l’on approche déjà. Ce mécanisme qui prévaut largement ailleurs ne semble pas opérer en France. On peut en supposer que les détenteurs des capitaux y sont particulièrement bien organisés, ou alternativement que la classe travailleuse y est singulièrement habile à préserver son pouvoir d’achat➤.