Une grande vague d’investissement (comme celle d’après la seconde guerre mondiale ou celle d’avant la première) nécessite une restructuration en profondeur du capital : il doit s’agir d’une perturbation impliquant de nouveaux chemins commerciaux qui font sens géopolitiquement, des travailleurs « désœuvrés » à disposition, et surtout une importante demande insatisfaite de la part de détenteurs de capitaux. L’innovation devient alors plus rentable (les risques d’échec et de se faire copier à moindre frais sont davantage compensés). Mais pour décider les acteurs majeurs➤, ce cycle d’investissement doit être plus rémunérateur que le précédent – sinon à quoi bon… Il faut donc qu’une plus grande quantité de travail soit disponible : une croissance démographique est indispensable[1].
Quand les ressources viennent à manquer, la socialisation des facteurs de production est à l’horizon (c’est de la plus-value que l’on obtient un pouvoir sur les masses). L’on promeut les services immatériels. La consommation de l’information n’étant pas sa destruction, Slavoj Žižek y voit un produit anti-capitaliste. Peut-être faut-il encore que l’échange réciproque, avec sa tendance à accroître les inégalités (la rentabilité différant selon la façon dont on assemble ce que l’on obtient), soit remplacé par un système de transferts… comme celui mis en place par l’État ? Le rôle➤ de celui-ci s’est largement accru après la seconde guerre mondiale, et celui des banques centrales depuis la crise de 2008. Mais de là à ce que les inégalités soient gommées, il y a un pas qui n’est pas franchi.
L’expansion des ressources ou la miniaturisation des travailleurs➤ sont d’autres pistes, la seconde n’étant peut-être moins valorisante qu’en apparence (une plus grande transportabilité constituant par exemple un avantage).
L’ère de l’information offre une possibilité de redistribuer les cartes (comprendre : concentrer le capital). La généralisation à l’individu des crédits-carbone et la ludification du travail peuvent fournir la carotte et le bâton à même de générer la plus-value. Si l’on en croît la répartition de l’investissement dans la recherche, le secteur de la santé peut devenir un moteur du prochain cycle.
Note
1. La mécanisation doit-elle rendre le travail humain superflu ?➤➤ Outre que les gains de productivité dans le secteur des biens de consommation le rendent toujours plus compétitif, 12 000 ans d’expérience de gestion des groupements humains constituent un capital dont on peut hésiter à se débarrasser, même si l’on connaît leur potentiel insurrectionnel. L’augmentation de la supervision au cours du 20ème siècle a pu répondre avant tout à un besoin de fournir du travail non-productif dans un contexte de hausse de la productivité. En dépit de l’option transhumaniste (les upgrades les plus avancées étant réservées aux plus riches), mettre au rebus l’humain signifie aussi reconnaître sa propre déchéance➤ – aux yeux des extra-terrestres, intelligences artificielles et autres démons que l’on sert. En Occident, à la fin du 19ème siècle, l’école primaire est largement mise en place (et sous la forme qu’elle conservera, c’est-à-dire une classe tournée vers le maître, par opposition notamment au système d’enseignement mutuel – où les élèves se font cours eux-mêmes selon un protocole et une discipline établis), et les artisans subissent un déclassement – c’est à ce moment que naît le mouvement eugéniste. Sa logique amène une partie des élites à se reconnaître comme intrinsèquement supérieure.